Derrière le grillage – Guillaume Chamanadjian, luvan, Sébastien Juillard

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Les premières phrases

« Cet endroit d’enfance existe. Du moins a existé, c’est une certitude. Il reste mon souvenir d’enfance le plus marquant. »

Impressions

Parfois, un souvenir d’enfance devient une obsession. Et de cette obsession peut émerger un projet littéraire et artistique peu commun. C’est ce que nous propose Xavier Vernet, éditeur et libraire chez Scylla, avec Derrière le grillage, recueil de trois novellas reposant sur son souvenir d’enfance le plus marquant : un moment partagé avec son père (aujourd’hui à la mémoire déclinante), dans un lieu a priori ordinaire mais qui a sans doute contribué à son amour de l’imaginaire. Il s’agit d’une cour conçue pour nettoyer et réparer une voiture, dotée de boxs fermés, d’un bac à sable, et délimité par un grillage d’où émerge un jardin abandonné peuplé d’étranges statues. Ce souvenir obsédant, Xavier Vernet a eu envie de lui redonner vie. Résultat : ce premier recueil de novellas (il y en aura d’autres) auquel ont participé Guillaume Chamanadjian, luvan et Sébastien Juillard. Avec deux contraintes : écrire un texte de 111 111 signes et y inclure le souvenir du jardin et des statues.

Le résultat est bluffant. Et si Xavier Vernet vous laisse le choix de lire ou de ne pas lire la préface avant, je vous conseille grandement de la lire tant elle permet de comprendre le projet et de lier les trois textes. Je l’ai également trouvée particulièrement touchante.

Passée la préface, les trois novellas vous embarqueront dans trois univers de SF : deux cyberpunk (avec NoirPunk de Guillaume Chamanadjian et Kawaakari de Sébastien Juillard) et un mêlant post-apo à la plume inventive, décalée et poétique de luvan avec CANT (qui m’a parfois un peu perdue). J’ai adoré découvrir ces trois textes, créés à partir du même souvenir d’enfance de l’éditeur. Je ne vous en dirai pas plus car le mieux est de plonger dans ce recueil pour en découvrir par vous-même tout le merveilleux. Une expérience de lecture touchante, passionnante, et réussie. Vivement le tome 2 !

Derrière le grillage – Guillaume Chamanadjian, luvan, Sébastien Juillard – Octobre 2025 – Scylla – Couverture réalisée par Arnaud Maniak – Illustrations intérieures réalisées par Lise L., Lia Vesperale, Elvire de Cock

Model Home – Rivers Solomon

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Les premières phrases

« Peut-être que ma mère est Dieu, et c’est pour ça qu’elle n’est jamais satisfaite.

Peut-être que ma mère est Dieu, et c’est pourquoi je prie pour qu’elle vienne me sauver, même si elle ne l’a encore jamais fait.

Je suis Chava dans le jardin, qui prend soudain conscience de sa nudité. Je ne veux pas que maman voie la chose ignoble que je suis désormais. »

Impressions

Avec Model Home, Rivers Solomon s’empare du thème de la maison hantée pour le réinventer avec brio. J’ai dévoré ce roman en deux jours tellement j’étais happée par la plume de l’auteurice.

Alors que trois sœurs ont fui la demeure familiale il y a des années, les voilà contraintes d’y retourner : en effet, elles sont sans nouvelles de leurs parents. Leur serait-il arrivé quelque chose ? Traumatisées par une enfance passée dans une maison qu’elles considèrent hantée, Ezri, Eve et Emmanuelle ont essayé de laisser le passé derrière elles. En vain évidemment… Que s’est-il réellement passé durant leur enfance dans cette maison qui semblait les rejeter, tout comme leurs voisins, ne voyant pas d’un bon œil l’emménagement d’une famille noire dans leur quartier modèle huppée de bourgeois blancs.

Rivers Solomon crée un climat hypnotisant et angoissant, pour mieux dénoncer le racisme toujours à l’œuvre dans nos sociétés, les secrets familiaux que l’on cache, et les traumatismes que l’on traîne toute sa vie et que l’on transmet malgré soi à ses enfants. C’est bouleversant d’humanité et de cruauté. Lisez donc ce roman fantastique. Mention spéciale au personnage non binaire d’Ezri, particulièrement touchant, auquel vous ne pourrez que vous attacher.

Model Home – Rivers Solomon – Septembre 2025 – Aux Forges de Vulcain – Traduit de l’anglais (USA) par Francis Guévremont

Colorer le monde – Mu Ming

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Les premières phrases

« Et maintenant, je suis venu ici sur un vaisseau avec mon équipage ; je vais sur la mer vineuse chez des hommes au parler étranger chercher du bronze à Témésa.

(L’Odyssée, traduction de Médéric Dufour et Jeanne Raison, 1935)

J’ai lu L’Odyssée en anglais pour la première fois à l’âge de onze ans. Athéna, sous les traits de Mentor, annonce au fils d’Ulysse, Télémaque, que son père est de retour de Troie. En dépit de la poésie des vers traduits par Samuel Butler, ma lecture a été heurtée, d’une part à cause des noms grecs difficiles à prononcer, et d’autre part à cause de termes étranges. Un mot en particulier a attiré mon attention.

« Qu’est-ce que « vineuse » ? » C’est la question que je pose à Maman.

Elle bat des paupières. « Qu’est-ce que tu en penses ?

Je crois que c’est une métaphore créée par Homère. » Je me rappelle les figures de style apprises en cours de littérature. « Mais la mer est plutôt bleue, non ?

– Homère était aveugle, soupire Maman. Et la mer n’est pas toujours bleue. »

Impressions

La collection de novellas RéciFs des éditions Argyll regorge de pépites. Et Colorer le monde en est une parfaite illustration. Dans ce recueil, l’autrice chinoise Mu Ming nous propose deux nouvelles axées notamment sur les nouvelles technologies, le langage, l’art, et notre perception du monde.

D’une écriture fluide et poétique, elle nous transporte tout d’abord dans une société futuriste où les implants sont devenus la norme. La petite Amy, dont la mère refuse qu’elle porte les fameux ajusteurs rétiniens, souffre d’être ainsi mise à l’écart par ses camarades de classe, ne pouvant voir le monde de la même manière qu’eux. C’est précisément cette notion de transformation de la perception du monde par les nouvelles technologies que Mu Ming aborde, tout comme celle de la transformation du langage : « Lorsque les innovations technologiques ont commencé à transformer le langage décrivant le monde, elles ont aussi irréversiblement altéré notre manière de le percevoir. Même détachée de la technologie elle-même, la langue a profondément remodelé l’esprit des gens. » En invitant le virtuel a recoloré le réel, les correcteurs rétiniens refaçonnent la réalité, créant un fossé entre ceux dotés d’implants, et ceux ne voyant le monde qu’à travers leurs yeux, au naturel, un monde plus terne et sans paillettes. « Nous accordons tous trop d’importance à ce que nous voyons, nous oublions d’écouter, nous oublions de raconter ». Comment ne pas faire le lien entre ce que nous vivons aujourd’hui dans notre société où beaucoup d’entre nous (et je m’inclus dedans) consacrons une grande partie de notre temps aux réseaux sociaux, scotchés que nous sommes à nos écrans… au détriment du partage et de la conversation en face à face ?

La deuxième nouvelle, Qui possède la lune ?, traite également de l’impact des nouvelles technologies sur notre perception du monde, tout en abordant le thème de l’art et de la possession. Elle y dénonce également avec justesse les conditions de travail en usine dans une scène de représentation artistique que j’ai trouvé particulièrement réussie.

Ce recueil de deux novellas est une belle réussite, invitant à la réflexion sur l’impact des nouvelles technologies sur notre rapport au monde, à soi et aux autres.

Colorer le monde – Mu Ming – Novembre 2025 – RéciFs (Argyll) – Couverture réalisée par Anouck Faure – Traduit du chinois par Gwennaël Gaffric

Empire of the Dawn – Jay Kristoff

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Les premières phrases

« It was the twenty-seventh year of daysdeath in the realm of the Forever King, and his murderer was still waiting to die.

The killer stood again at a thin window, watching his finale arrive. Tattooed hands were clasped at his back, stained with blood, both fresh and merely remembered. His room stood high in the reaches of his lonely tower, battered by a tempest just as sleepless as he. His door remained locked like a secret. His heart, locked tighter still. »

Impressions

Qu’est-ce que j’ai aimé cette trilogie signée Jay Kristoff ! Ce cycle de Dark Fantasy revisite avec brio le mythe du vampire. Et si ce tome 3 n’est pas mon préféré de la saga, il m’a cependant apporté un plaisir intense de lecture. Car Jay Kristoff a indéniablement le sens du rythme, faisant de ce dernier volume une conclusion pleine d’actions, de batailles, de sang, de surprises, et d’émotions. Surtout, toutes les zones d’ombre sont enfin révélées.

Alors, oui, j’ai vu venir certaines révélations, et oui, j’aurais préféré une fin un peu « différente » (je n’en dirai pas plus pour celles et ceux qui ne l’ont pas lu), mais il n’en demeure pas moins que cette trilogie fait partie de mes sagas de fantasy préférées. Gabriel de Leon, Celene Castia, Aaron de Cooste, Baptiste Sa-Ismael, et Dior Lachance, resteront à jamais dans mon cœur de lectrice. Tout comme certaines expressions chères à Gabriel !

Empire of the Dawn – Jay Kristoff – Novembre 2025 – Harper Voyager (De Saxus pour la VF) – Couverture réalisée par Kerby Rosanes – Illustrations intérieures par Gonzallo Mendiverry (succédant à Bon Orthwick)

Dans l’ombre de Paris – Morgan of Glencoe

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Les premières phrases

« Assise bien droite dans son fauteuil tendu de velours blanc, Yuri replaça sa mèche rebelle derrière son oreille. Du haut de ses douze ans juste sonnés, elle tenait son rang de princesse avec autant de dignité que n’importe quelle adulte.

– Dites-moi, Père, demanda-t-elle de sa voix réfléchie, quel spectacle allons-nous voir qui nécessite si étrange scène ? Je ne connais nul acteur, nul musicien qui puisse jouer sur l’eau…

– C’est qu’il ne s’agit ni d’une pièce, ni d’un concert, et encore moins d’un opéra, Yuri, répondit le seigneur Nekohaima en posant une main rassurante sur l’épaule de sa fille. Mais d’une leçon pour toi, une leçon sur certaines créatures et leur nature. Hmm. Et sans doute aussi sur la nature du vulgaire. »

Impressions

Cette lecture fut une très bonne surprise. Mélange d’uchronie et d’urban fantasy, Dans l’ombre de Paris nous transporte dans un univers moderne original où la Monarchie française règne en maître sur le monde au côté de l’Empire du Japon et du Sultanat Ottoman. Mais surtout, c’est un univers où les fées existent ! Des fées loin du cliché des contes : ici, ces créatures sont fortement inspirées des légendes celtes, à l’instar des Selkies et des feux follets. Craintes par les humains, elles sont cependant obligées de vivre cachées… Y sont abordés avec justesse des thèmes qui me sont chers : tolérance, consentement, droit à la différence, orientations sexuelles, richesse des cultures.

J’ai pris un plaisir fou à découvrir les lieux (en particulier l’Orient Express et les égouts de Paris) et les personnages (Yuri, Bran, Sir Edward…) créés par l’autrice bretonne Morgan of Glencoe. Je me suis d’ailleurs un peu trop attachée à certains… Quant à la fin, elle m’aura brisé le cœur…

Attention : n’oubliez pas de lire les pages se trouvant juste après les remerciements de l’autrice. En effet, il ne s’agit pas des premières lignes du tome 2 mais d’un véritable épilogue, à ne surtout pas rater !

Dans l’ombre de Paris – Morgan of Glencoe – Réédition en Mars 2025 par Goater – Couverture par Aliciane

Des Ombres sur le Foyer – Judith Merril

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Les premières phrases

« Plusieurs bombes atomiques d’origine inconnue sont tombées dans le port de New York et ses abords cet après-midi. La première explosion a eu lieu vers 13h15, heure locale, et a été suivie d’autres déflagrations pendant environ une demi-heure. Nous savons qu’aucune bombe n’a été larguée après 14 heures. Des témoins rapportent que la première ogive a explosé sous l’eau à l’embouchure de l’East River, touchant la navigation portuaire de New York et Brooklyn, et endommageant considérablement une grande partie de la pointe inférieure de l’île de Manhattan. Pour le moment, aucune déclaration officielle n’a été faite… »

Impressions

J’ai dévoré ce roman de SF se passant aux États-Unis après une attaque nucléaire. L’autrice Judith Merril se focalise sur une femme tentant de comprendre l’impact de la catastrophe sur son quotidien et celui de ses deux filles, en l’absence de son mari dont elle n’a plus de nouvelles depuis son départ le matin.

Écrit en 1950, ce roman (le premier de l’autrice) dénonce les biais d’une société patriarcale où les femmes n’ont leur place qu’au sein du foyer et où le racisme est prégnant. Ne vous attendez pas à un livre rempli d’actions. Ici, l’autrice nous propose plutôt de traiter un événement dramatique du point de vue d’une famille : la mère Gladys, ses deux filles de 15 et 5 ans, et sa bonne, Veda. Il s’agit quasiment d’un huis clos : tout (ou presque) a lieu au sein de leur maison. Les nouvelles se font via la radio. Seules les équipes de sécurité ont le droit de circuler dans la ville et d’aller à la rencontre des habitants. Comment, dans ce contexte, savoir ce qu’il se passe réellement dehors ? Comment connaître la dangerosité de la situation ? À qui faire confiance : aux membres de la sécurité ? au personnel médical ? Bien que le roman date de la guerre froide, il aborde des sujets toujours d’actualité : le danger d’être un lanceur d’alertes, la toute puissance des canaux d’informations officiels et des forces de l’ordre, le délabrement des organismes de santé, le racisme…

C’est assurément un texte qui fait réfléchir et qui fait froid dans le dos. Un grand merci aux éditions Argyll pour cette traduction, réalisée par Alexane Bébin. À noter également : la préface et la postface de DoctriZ, qui permettent de comprendre toute la portée de ce texte.

Des Ombres sur le Foyer – Judith Merril – Argyll – Octobre 2025 – Traduit de l’anglais par Alexane Bébin – Couverture réalisée par Xavier Collette

The river has roots – Amal El-Mohtar

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« La rivière Liss court du nord au sud et ses eaux abondent en grammaire. Les enfants qui marmonnent sur leurs livres de classe aujourd’hui ont une piètre idée de la grammaire. La grammaire est ennuyeuse, difficile, lente ; la grammaire est un fer posé sur la langue, corrigeant les malgré que en bien que, les après qu’il soit en après qu’il fut. La grammaire et les grammairiens sont des sergents de ville qui vous observent d’un œil sévère quand vous enfreignez la concordance des temps, étrécissant les yeux devant un pléonasme tout en claquant leur matraque en point-virgule contre leur paume.

Mais la vérité de la grammaire ne se trouve pas là. Il fut un temps où la grammaire était sauvage – où elle changeait d’apparence et dégageait de nouvelles formes des anciennes. Grammaire, comme on dit grimoire. Qu’est-ce que la magie, sinon une modification dans le monde. »

Impressions

Après avoir eu un gros coup de cœur pour Les oiseaux du temps, écrit à quatre mains avec Max Gladstone, c’est avec une certaine impatience que j’attendais cette nouvelle parution d’Amal El-Mohtar. The river has roots est une novella d’un plus plus de 100 pages nous embarquant dans un monde entre réalité et féérie. C’est surtout une belle histoire de sororité, à la fois douce et cruelle, à l’image des contes de fées.

Imaginez deux saules entrelacés au-dessus d’une rivière traversant le monde des humains et le monde des fées. C’est là, chaque soir, que viennent chanter les sœurs Hawthorn, Esther et Ysabel. Petites, elles s’étaient perdues en Arcadie, ce monde merveilleux dont on ne revient généralement pas. Depuis, Esther éprouve de la mélancolie envers ce monde féérique qu’elles n’ont fait que toucher du doigt, jusqu’au jour où un être venant d’Arcadie surgit dans sa vie.

Ce texte empli d’émotions et de poésie se lit d’une traite, comme une pause bienvenue semblant arrêter le temps. Mettez votre quotidien entre parenthèse et immergez-vous dans cette novella, faisant la part belle aux liens que l’on peut tisser entre sœurs, et à la place de la musique et du langage dans nos vies.

The river has roots – Amal El-Mohtar – Nouveaux millénaires (J’ai lu) – Octobre 2025 – Traduit de l’anglais (Canada) par Patrick Marcel – Illustrations intérieures réalisées par Kathleen Neeley

La Cabane dans les arbres – Vera Buck

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« La mer est affreuse et déchaînée. Le vent charrie des montagnes d’eau, comme si la mer devait être vidée et rangée. Je tremble. Mes cheveux sont salés et trop longs. Ils me fouettent le visage et me tombent sur les yeux. L’homme s’impatiente. Il veut que je me mette en slip et que je patauge dans l’eau. Mais je me sens encore mal du trajet dans la caisse et j’ai froid. Je regarde le ciel. Peut-être que je peux deviner dans quelle direction on a roulé pour savoir comment s’appelle la mer sous mes yeux. Il m’a appris à m’orienter à partir de la position du soleil. Mais le soleil est couvert de nuages sombres. Je crois qu’il va y avoir un orage. »

Impressions

Voici sans doute une de mes meilleures lectures polar de l’année ! J’ai littéralement dévoré ce thriller écrit par l’autrice allemande Vera Buck. Sa grande force tient en deux éléments particulièrement réussis : la sensation d’oppression et d’urgence constante dans le récit, et la profondeur des personnages.

L’histoire de départ est plutôt classique (et n’est d’ailleurs pas sans rappeler le début de l’excellent Baignades d’Andrée A. Michaud) : un couple part s’installer pour les vacances dans une vieille maison isolée en pleine forêt suédoise au bord d’un lac, avec leur fils de cinq ans, Fynn. Non loin de là, une jeune femme passionnée de botanique forensique découvre un squelette d’enfant enterré au pied d’un arbre. Autre mystère : une cabane perchée dans un arbre dans laquelle semble habiter une petite fille…

Chaque chapitre alterne les points de vue, nous permettant de suivre chaque protagoniste et de nous attacher à eux. J’ai notamment beaucoup aimé Rosa, cette jeune femme asociale fascinée par les cadavres et les conséquences de leur décomposition sur les sols, ainsi que Henrik, le père de Fynn, à l’imagination débordante. Vera Buck parvient à maintenir la tension et les mystères tout au long de l’histoire, jusqu’à une fin particulièrement émouvante. Une réussite de bout en bout !

La Cabane dans les arbres – Vera Buck- Gallmeister – Août 2025 – Traduit de l’allemand par Brice Germain – Illustration de couverture réalisée par Yukiko Noritake

Les Vaisseaux d’Os – RJ Barker

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Les premières phrases

« – Ton caloquet, donne-le moi.

Ce n’est guère le genre de propos que l’on imaginerait au commencement d’une légende, mais ce furent bien les premiers mots qu’il l’entendit prononcer.

Elle les lui adressait, évidemment.

Il était tôt. L’odeur du poisson emplit ses narines et fit naître la nausée, qui lui contracta l’estomac. Sa tête lui faisait mal et seul le premier verre de vin de mer apaiserait les tremblements de ses mains. Alors la douleur s’effacerait tandis que l’épais liquide coulerait dans son gosier, réchauffant sa gorge et ses entrailles. Après le premier verre viendrait le deuxième, suivi par la torpeur qui lui signifierait qu’il était en train d’engourdir son esprit qui suivrait le même chemin que son corps : mort, ou en attente de l’être. Puis il y aurait un troisième verre, un quatrième, un cinquième ; puis la journée se terminerait et il sombrerait dans les ténèbres.

Dans la quiétude du port, le vaisseau noir n’aurait pas largué ses amarres. Ses os craqueraient tandis qu’ils résisteraient à la marée. L’équipage ronchonnerait et couinerait tout en buvant sur ses ponts ; lui, perdrait connaissance dans cette vieille hutte de dépeceur. D’épouse de bord il n’avait que le titre. De commandant que le nom. Un raté, en somme. »

Impressions

Aye ! Foncez découvrir cette dark fantasy maritime et embarquez à bord d’un vaisseau d’os de dragons des mers ! Ici, il faut savoir se battre, manœuvrer un vaisseau, prendre des coups, et surtout obéir aux ordres de votre épouse de bord. Adeptes de batailles navales, de complots politiques, de piraterie, et de créatures magiques, foncez !

Si RJ Barker prend son temps pour décrire l’univers des Cent îles, le quotidien sur un vaisseau des morts, et l’équipage qui le compose, c’est pour mieux nous faire appréhender le monde qu’il a créé et s’attacher à ses personnages. À commencer par Joron Bitord, qui se fait voler le commandement de son vaisseau, L’Enfant de la marée, par Meas la chanceuse, une femme au tempérament de leader, qui va embarquer son nouvel équipage dans une mission secrète. J’ai également eu un gros coup de cœur pour le Gullaime, cet oiseau-mage capable de contrôler les vents. C’est une lecture un peu exigeante au début mais qui vaut vraiment le coup. Et je n’ai qu’une hâte : lire le tome deux ! Vivement sa sortie !

Les Vaisseaux d’os – RJ Barker – Leha – Septembre 2025 – Traduit de l’anglais par Erwan Devos et Hermine Hémon – Illustration de couverture réalisée par Edward Bettison

Une très bonne hérétique – Becky Chambers

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« Comme Théa venait de voir l’œuvre de sa vie partir à la décharge, l’idée d’enfreindre les lois interplanétaires la dérangeait moins que d’habitude. Elle aspergeait généreusement sa combinaison de phéromones gribbettes, en espérant avoir choisi le bon mélange. À l’aide, disait la bonbonne. »

Impressions

Lire un roman de Becky Chambers, c’est s’assurer une parenthèse de douceur dans l’espace, tout en éprouvant tout un tas d’émotions remuant le cœur. Ici, la reine de la SF nous propose cinq nouvelles mettant les femmes à l’honneur. Ces femmes se retrouvent toutes face à un choix qui décidera de leur avenir, professionnel ou personnel, mais aussi, pour certaines, de celui du reste de l’univers. Becky Chambers nous fait ressentir leurs doutes, leurs faiblesses et leurs forces. Ça remue les tripes tout en douceur, et on se demande ce que l’on aurait fait à leur place… Quant à la dernière nouvelle, qui donne son nom au recueil, elle fait partie de mes préférées. Car on a le plaisir de se retrouver dans l’univers de sa saga des Voyageurs, en compagnie d’un Sianat enfant, sur le point de passer à l’âge adulte et donc de se transformer en paire. Cette nouvelle bouleversante m’a profondément touchée. Lisez donc ce recueil de nouvelles ! Un vrai baume au cœur qui redonne un peu foi en l’humanité.

Une très bonne hérétique – Becky Chambers – L’Atalante – Octobre 2025 – Traduit de l’anglais par Marie Surgers – Illustration de couverture réalisée par Nicolas Sarter